L’humain, présent à l’univers, vient au monde sans l’avoir voulu! Il se réveille à bord d’un train qui file à plus de 100 à l’heure, et en plus, directement vers la mort, sa gare ultime. Le pire, c’est qu’il est très conscient de ce qui lui arrive; donc il s’angoisse et il cherche le sens de tout ça. D’autres ont tellement d’anxiété qu’ils débouchent en courant dans toutes les Églises du monde. Les plus forts, les Einstein et ses pareils, hommes ou femmes, ont vite fait de découvrir dans le Cosmos, où ils viennent de chuter, des informations structurantes si précises qu’elles prouvent que l’univers a un sens et qu’il faut être aveugle pour ne pas y entendre la voix apaisante, rassurante du Dieu cosmique. Mais la voix du Dieu cosmique parle d’abord un langage esthétique qui permet de comprendre toute autre démarche donnant un sens à l’existence. Son message: « Regarde bien, le monde est beau ». Mais tous et toutes n’ont pas les oreilles pour entendre.
« J’éprouve l’émotion la plus forte devant le mystère de la vie. Ce sentiment fonde le beau et le vrai, il suscite l’art et la science » (Einstein, Comment je vois le monde, p.23, Étienne Klein, Champs sciences, 1979)
C’est cette émotion forte dont parle Einstein, cet émerveillement devant l’ordre du monde, qui agit comme la voix apaisante du Dieu Cosmique face à nos questions. Cette intuition ne porte pas sur l’existence de Dieu, mais sur la splendeur de l’univers que nous avons sous les yeux. Il faut que cette splendeur nous donne un choc: sans ce choc, aucune démonstration ne nous conviendra (,,,) Ainsi, la condition pour saisir la preuve de l’existence de Dieu est notre capacité de nous émerveiller. La démonstration de l’existence de Dieu est tellement simple que la difficulté n’est pas dans la démonstration elle-même, mais dans l’intuition de départ. Hubert Reeves tient un propos semblable à celui d’Einstein quand il parle de la musique:
« La musique de Mozart est si pure et belle que je la vois comme un reflet de la beauté intérieure de l’univers… La musique nous donne accès au coeur du monde. Quand j’écoute Mozart, Schubert ou Wagner, je sens monter en moi un irrésistible sentiment d’exaltation et de reconnaissance pour l’univers qui a engendré la vie et la musique. »
L’astro-physicien célèbre, Trink Xuan Thuan, lui-aussi, nous parle de la « Mélodie secrète de l’univers » et sa certitude du sens de l’existence lui vient de la contemplation du mystère que révèle la nuit. Cela dit, on peut malgré tout démontrer ce qui appuie rationnellement le sens de l’existence: l’information structurante initiale de l’univers ajustée si précisément que le hasard perd toute chance de l’expliquer. Il y a aussi le nombre d’or, la suite de Fibonaci et l’ensemble des règles esthétiques qui viennent fonder la beauté du monde, que ce soit celle d’un coquillage, d’une fleur ou d’une spirale galactique, l’ensemble des dosages de l’harmonie des couleurs que découvrent le peintre en cherchant la lumière de son tableau ou les lois mathématiques harmoniques que découvrent les Bach et les Mozart de ce monde au coeur de leurs créations sonores sublimes, tout cela nourrit le sens de l’émerveillement de notre passager du train et vient le rassurer. Le Dieu cosmique n’aurait pas mis en sa créature un désir de sens qu’il n’aurait pas pu satisfaire. Mais Il parle d’abord une langue subjective. C’est elle qui renforce toute démarche rationnelle visant à fonder le sens de la vie. Dieu ne connait qu’une langue: celle de l’émerveillement des enfants.
Enfin, comment ne pas s’émerveiller de la beauté d’une âme humaine capable de présence à toute cette splendeur elle-même, capable d’émotion, de dévotion et d’amour. Finalement c’est Antoine de Saint-Exupéry qui avait raison: « On ne voit bien qu’avec les yeux du coeur. »
