UN ÊTRE HUMAIN C’EST QUOI?
L’être humain est le fruit d’une infinie patience cosmique. Il a d’abord fallu l’entrée bruyante du cosmos, de l’espace et du temps: le Big Bang (était-ce le premier?). Puis, l’explosion des étoiles pour fabriquer le carbone indispensable au vivant. Enfin l’apparition de la vie cellulaire, de l’ADN, la longue évolution des espèces à travers les siècles , leurs complexifications jusqu’à l’apparitions des hominidés. Et soudain, héritier de tout ce passé, résumé en lui, un matin, l’homme de Cro-magnon, dit « homo sapiens », s’est mis debout, libérant sa main et son cerveau pour devenir un être pensant, une conscience du monde à qui s’ajoutait la conscience de Soi pour la toute première fois. Depuis l’origine, l’Esprit cosmique incarné dans le monde, façonnait sans témoin cette conscience dans la matière, cette intériorité dans le monde, ce vide présent à toutes choses. Mais avec Cro-magnon, pour la première fois le cosmos prenait conscience de lui-même. Pascal a célébré ce moment miraculeux: « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant… quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt… » (Blaise Pascal). L’être humain qui sait, sait d’abord sa fragilité, ses limites et développe en lui le désir infini d’être davantage. Il veut être plus, durer plus, avoir plus. Il découvre bien vite que même l’avoir le plus grand le laisse dans l’insatisfaction et la tristesse. Il a soif du tout, il a soif de l’infini: « La soif n’est-elle pas la preuve de l’existence de l’eau » , a dit Gaston Bachelard. « l’Univers ne saurait décevoir la conscience réflexive qu’il a engendrée¨, dit Teillhard de Chardin pour sa part. Ainsi la soif infini de l’homme est un signe de plus en faveur du oui au pari de Pascal.
Cet être humain a vite fait de se demander en ouvrant les yeux: qu’est-ce que je fais là? Et comme il peut penser au-delà du temps et de l’espace, il veut savoir pourquoi il existe et, surtout, pourquoi il va mourir. Il prend aussi conscience de la dualité du monde, de la présence partout de l’autre et de la nécessité où il se trouve de se faire une place. Il se forge alors des défenses, des boucliers, des masques, des parades; il se construit un visage, une personnalité, une force d’affirmation contre tous les assauts et toutes les concurrences. Il cherche son soleil parmi la multitude qui, comme lui, se bat pour le moindre rayon de lumière. Il vit, il pousse, écarte l’autre pour un bout de ciel. Dans toute cette quête, il existe hors de lui, là où s’agite la démarche des autres, là où le combat et la course ont lieu. Jusqu’au jour, où l’insatisfaction devant l’avoir, la personnalité, la réussite ou l’échec qu’il a forgée, l’enferme dans un regard critique sur lui-même pour la première fois. C’est à cette seconde que la conscience qu’il pose sur lui-même peut lui faire découvrir la vraie profondeur de ce qu’il est, le vrai sens de ce que veux dire « Je suis » . Il découvre dans l’extase que c’est le Dieu cosmique lui-même qui regarde le monde à travers ses yeux humains. À partir de ce moment, il peut s’ouvrir à sa propre participation au Divin en lui et découvrir le vrai sens de son existence: participer à la création éternelle du Dieu cosmique dans le monde en y ajoutant, non du combat, non du mal, mais de la bonté, de la beauté et de l’unité. Le Dieu cosmique s’est incarné dans le monde où il a sacrifié pour ainsi dire son unité pour se partager dans la multiplicité. Il a fait cela à travers le cosmos et l’être humain. Et ce dernier, avec de la chance, j’allais dire de la grâce, peut collaborer avec le Dieu cosmique en co-créant avec lui de la bonté, de la compassion, de la beauté, et surtout, cette unité perdue que seul l’Amour peut refaire.