avril 6

Le « Je » du « je suis ».

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LE « JE » DU « JE SUIS »

Bon, que diriez-vous d’un peu de philosophie. Frédérick Lenoir répondait à la question « qu’est-ce que vous aimez le plus au monde » par: … respirer. Il voulait dire la même chose que Einstein quand il déclare: « Le plus étonnant, c’est qu’il y ait quelque chose plutôt que rien ». Le simple fait d’être est un miracle en soi. Respirer,  être là: tout un cadeau, tout un mystère. Se retourner du dehors vers le dedans de soi et découvrir que « Je suis », cela devrait suffire à nous faire tomber à genoux et crier Alleluia. Pensez-y bien: choisis par la vie entre des milliards de possibilités, j’ai droit, moi, à cette expérience  inouïe  de vivre une vie humaine, à cette chance d’être là et de respirer l’air de l’univers. Personnellement, j’ajouterais que ce qui est encore plus fantastique, c’est que je suis un «Je». Un sujet. Une sorte d’oeil spirituel. Et il est impossible pour un oeil de se voir lui-même. Étrangement, on ne peut pas voir non plus un « je » , observer le sujet, précisément parce que c’est lui qui regarde et transforme toute chose en « objet », de  « ob » (qui signifie devant en latin) et « jacere » (qui veut dire jeter) . Donc, objet veut dire : ce qui est jeté devant. Devant quoi? Eh bien, devant le sujet justement. Donc quand on veut regarder le sujet, on en fait quelque chose d’autre que lui-même, c’est-à-dire un objet, un « jeté devant », et ainsi on trahit ce qu’il est vraiment: la source du regard. On touche ici à la grande difficulté de la psychologie scientifique dont l’objet propre lui échappe sans cesse et qui a fait naître par compensation la psychanalyse et la phénoménologie.René Descartes, philosophe rationaliste limite le je à la pensée; « Je pense donc je suis ». Kant, lui, dit que le sujet est inconnaissable parce qu’il n’est pas objet d’expérience. Que voulait donc dire Socrate quand il décrétait: « connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux « . En bref, Socrate appelle à l’introspection, à tourner le regard vers la source du regard. Jésus ne disait pas autre chose, quand il invitait à faire «  Téchouva » , mot hébreux qui veut dire « retourne-toi » et non pas « convertis-toi ». Par l’introspection et la méditation, on peut découvrir que le moi objet, le petit moi, comme on l’appelle souvent, n’est pas du tout le sujet, mais une construction faite de souvenirs: nom, adresse, numéro d’assurance social, profession, métier, histoire de notre parcours, événements marquants, diplômes, prix, le tout identifié à ce corps qui est supposé être moi. Or, ce petit moi, aussi appelé ego, n’existe pas dans le présent. Il est la somme de mes prouesses, mon autobiographie, et par là, il se situe dans le passé. Par contre ce qui regarde, ici présentement, est impossible à connaître sans l’objectiver, ne peut pas être vu en face. Freud, Bergson, Jung et Husserl ont élaboré d’autres approches pour cerner le vrai sujet qui est la lumière du monde, la source d’apparition du réel. Le je du je suis présent est une ouverture qui accueille tout ce qui est et que l’on expérimente donc subjectivement. La méditation sur ce vide ouvert infiniment nous fait découvrir le vrai « Je », espace d’accueil sans forme et mystérieux qui rend possible toute présence objective. On l’appelle le Soi pour le distinguer du petit moi.  C’est comme un trou dans le plein de l’être et de l’univers, l’intérieur du monde, un dedans du cosmos capable de le contempler. De là l’affirmation de Socrate que ce connaître soi-même c’est aussi connaitre l’univers et les Dieux. Cette découverte du regard que nous sommes qui est unique et cependant partagé entre nous tous, les humains (car sans dimension, donc indivisible, immortel et infini), c’est cela qui est renversant, époustouflant et qui nous fait crier Alléluia juste en respirant, juste en réalisant que nous sommes ce mystère qui regarde le monde avec les yeux de Dieu lui-même, incarné dans son univers, et se contemplant à travers les yeux de ses fils et de ses filles, les consciences humaines.


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Marcel Lefebvre

Publicitaire, scénariste, compositeur, réalisateur et metteur en scène, Marcel Lefebvre, aussi philosophe, est surtout connu comme parolier. Il a d'ailleurs reçu le prix Luc Plamondon en 2007. On lui doit certaines chansons les plus connues du Québec, "Chante-la ta chanson" brille au Panthéon des auteurs-compositeurs du Canada. Il a écrit également quatre romans historiques et plusieurs scénarios de films.

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