Marcel Lefebvre
Quand cela m’est arrivé, j’aurais tant souhaité trouver quelqu'un qui vienne éclairer mon vécu et répondre à mes milliers de questions. J’ai donc pris la plume, trente-sept ans plus tard, pour raconter mon aventure afin que d’autre trouve ces mots sur leur route de lumière et de désarroi mêlée. D’emblée je vous l’affirme: Non! vous n’êtes pas fou! Vous avez touché au Tout Autre au plus profond de vous-mêmes et cet effleurement divin a fait basculer votre vie à jamais. Voici le récit de mon cheminement personnel en espérant qu’il éclaire le vôtre.
J’avais trente-sept ans alors et j’évoluais parmi les grands de la publicité et du spectacle au Québec. La création était mon domaine et je menais d’une main ma boite de communication, mon usine à chansons publicitaires, de l’autre ma maison de production cinématographique et ma carrière de parolier. Ma réussite était à son zénith. Mon succès évident, mon avenir assuré.
Mais pour y arriver, j’avais dû me gaver de tranquillisants divers pour combattre le stress que toute cette course au succès m’imposait. Pour me débarrasser de toutes ces béquilles, j’avais pris la décision de faire appel à une thérapie.
Mes thérapeutes me répétaient: « Ne crois-tu pas qu’il serait temps que tu t’occupes de toi? ». Je trouvais cette question ridicule car il me semblait que je n’avais fait que cela tout au long de ma vie. J’avais travaillé à me faire un nom, une réputation, à me construire une sécurité financière, une image enviable. J’avais mis tous mes efforts à me bâtir un « moi » solide, un ego fort dont plusieurs étaient envieux. Y avait-il un autre « Moi » en moi dont je ne m’étais "pas assez occupé"? La question me semblait sans queue ni tête. Devant ce qui m’apparaissait être un manque flagrant de pertinence, j’avais donc décidé d’écourter cette session de thérapie et de retourner chez moi en prétextant que je devais aller m’occuper de mes affaires, de ma famille, de mes clients, de tous mes employés; aller m’occuper de moi et de mon monde précisément. C’est alors que mon thérapeute m’a posé une dernière question, une question qui a bouleversée ma vie: « Si tu restais encore quelques temps, crois-tu vraiment que cela pourrait avoir des conséquences graves pour la vie de quelqu’un? »
Je ne sais pas pourquoi, mais cette question s’est vrillée en moi comme une torpille. Tout-à-coup, j’ai vu confusément que je me racontais des histoires, que je me mentais pour fuir quelque chose. Je découvrais que j’avais peur d’une réalité inconnue qu’on voulait me forcer à voir. J’avais peur que tout l’édifice de ma personnalité, à laquelle j’avais travaillé toute ma vie, s’écroule. En fait, je m’étais bâti un personnage fort pour m’assurer reconnaissance, sécurité, protection contre le rejet, bouclier contre la privation et la souffrance sous toutes ses formes. Depuis toujours, la vie me faisait peur avec sa mort au bout de la route et je m’étais épuisé à construire une carapace pour me protéger d’elle. Allez savoir pourquoi, j’ai décidé alors d’abandonner toute résistance, de lâcher prise et de rester quelques jours de plus pour cesser de fuir cette chose inconnue qui s’agitait au fond de mon être. C’était comme dire oui à tout ce que j’avais fuit auparavant: la vie et ses peines, ma vulnérabilité, l’idée de la mort, de ma mort, enfin tout ce que j’avais toujours refusé de regarder en face, tant cela me faisait peur.
C’est à cet instant précis, je m’en souviendrai toujours, que cette « Autre chose » a fait irruption en moi comme un volcan. Mon être gargouillait de toute part comme un puits de pétrole qui jaillit. Les larmes m’envahirent. Je tremblais, mu par un séisme intérieur. Ma thérapeute me prit la main et me rassura en disant: « Ne crains rien, tu es seulement mal ajusté à ton être profond ».
Pendant les heures qui suivirent je me suis senti inondé d’une étrange lumière qui me donnait l’impression de me soulever de l’intérieur, de me porter et de me faire voir toute chose d’un point de vue jamais connu au cours de ma vie. Le besoin ridicule de prendre des notes me vint tant c'était beau mais je jugeai non pertinent d’abandonné mon vécu fantastique pour assurer la mémoire de l’expérience que je vivais. Cette lumière me semblait venir de partout, éclairer toute chose comme du dedans. Cette lumière inhabituelle était diaphane et légèrement colorée, chaude aussi comme une infinie caresse. Les arbres au dehors étaient aussi envahi par cette lueur spirituelle , confortable et apaisante. Cette clarté jamais vécue auparavant me remplissait de bonheur mais en même temps d’un étrange sentiment de frayeur devant son aspect mystérieux, étrange, grandiose et renversant. Je me sentais en présence d’une réalité cachée derrière le monde et qui était comme de l’amour rayonnant . J’avais vraiment l’impression de voir à travers les choses un monde resté caché jusque là.